Tu vois, je commence à déballer, à raconter et ça me fait du bien, car dans l’échange, tu me dis ta perception, et je n’osais l’imaginer, mon corps & mon âme parlent et tu les entendais. Je ne disais mots, je croyais ne rien laisser paraître, tu avais deviné. Se dissimuler sous l’acriture ? Une chimère ! Mon être s’exprime en entier ! Je suis heureux de pouvoir partager. Je te dis alors mes projets, ils prennent forme devant moi, ce sont des petits bateaux de papier qui prennent la mer, ils avancent, c’est la réalité maintenant. Tu m’écoutes et me dis des choses fortes, qui me surprennent, sur la femme à aller chercher. Maintenant. Je peux préparer l’avenir, tourner la page. C’est grâce à notre conversation inopinée, un soir où je n’attendais plus rien, vers une heure du matin, que l’horizon s’est dévoilé …
Depuis, la nuit, je ne dors plus, je reste immobile, le sommeil ne vient pas. Je connais cet instant, je l’ai déjà rencontré, c’était il y a plus de vingt ans, au moment où je faisais mon premier changement de vie. Une nuit, je me rappelle, j’avais passé la frontière, j’imaginais l’après, je me précipitais vers l’inconnue. Et je retrouve aujourd’hui ce sentiment rare, inchangé, l’attraction du bougé, la sensation d’avoir déjà commencé, jamais plus ne pourrai me retourner. La nouvelle vie.
Alors, visitant Soulages à Montpellier avec mon père, rendus tous deux à ces formes pures & primitives, leur matérialité intemporelle, célébrant avec lui les Dieux, la lumière & l’éternel recommencement, le travail habité de l’artisan, sa transgression, je pouvais m’éloigner de ces pauvres notes prises à la volée au cours d’un week-end délétère dont nous n’avions pas su profiter, Ana B et moi, impasse ou cul de sac concluant notre histoire épuisée : « ces amours qui m’échappent, avais-je attrapé, écrire là-dessus ou rien c’est pareil ». « Je ne suis pas dupe de tes stratagèmes », avais-je ajouté, espérant « la trouée » dans un ciel obscurci, cette lumière que je retrouvais ici. Et que notre conversation avait installée.
